Démanteler les centrales nucléaires européennes s’avère être un chantier titanesque. S’il faut des décennies pour effectuer les travaux, ces derniers ont un coût. En France, il est estimé à 60,2 milliards d’euros en incluant la gestion des déchets.
Une démolition qui dure plusieurs décennies
La démolition des centrales nucléaires se confronte, partout en Europe, aux mêmes problèmes. Les chantiers sont hors normes, tant au niveau du coût que du temps dépensés. En outre, aucun pays n’a encore trouvé comment stocker les rebuts radioactifs, ni les tonnes de ferraille. Direction l’Allemagne, où les huit derniers réacteurs en fonctionnement seront tous arrêtés dans cinq ans, comme prévu par la loi adoptée après l’accident de Fukushima. Le pays doit encore sélectionner un site pour le stockage géologique profond des déchets les plus radioactifs.
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Le gigantesque complexe atomique de Greifswald en est l’exemple le plus parlant. Quatre réacteurs à eau pressurisée de 440 mégawatts (MW) y ont été exploités de 1973 à 1990. Ce site est aujourd’hui devenu la plus grosse usine de démantèlement outre-Rhin. Un travail titanesque a déjà été accompli par l’entreprise chargée des opérations, EWN. En effet, près de 5 000 assemblages de combustibles usés ont été retirés des coeurs. Ils ont été confinés dans des containers blindés et stockés dans un immense hall d’entreposage, ainsi que les plus gros composants, générateurs de vapeur et cuves.
En Italie, la centrale nucléaire de Garigliano ne voit toujours pas le bout de son démantèlement. 40 ans après sa fermeture ! Cette centrale centrale à eau bouillante n’a été en activité que de 1964 à 1978 et ise à l’arrêt par crainte des tremblements de terre. Et malgré sa courte vie, le site ne sera sans doute totalement démantelé qu’en 2035.
En France le démantèlement devrait coûter 60,2 milliards d’euros
Au total, dans le monde, on compte 450 réacteurs en activité et seulement 110 à l’arrêt. Seule une vingtaine d’unités ont été déconstruites, dont la moitié aux États-Unis. Aucune ne l’a encore été complètement en France. Il s’agit d’un vrai paradoxe puisque l’Hexagone dispose du deuxième parc nucléaire de la planète. Mais il ne parvient pas à démanteler les neuf centrales de première génération aujourd’hui à l’arrêt. EDF pourrait bien être freinée dans ses intentions par la somme à débourser pour engager ces travaux.
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Le démantèlement de ces centrales nucléaires à eau sous pression a un coût et il est élevé. En France, il est estimé à 60,2 milliards d’euros en incluant la gestion des déchets. EDF en a, à ce jour, provisionné 24,4 milliards. Au total, la France dispose de 58 réacteurs à eau sous pression, qui nécessiteront chacun 15 à 20 ans de travaux environ. Outre l’argent, il faut également évoquer le temps nécessaire aux travaux. Même s’il sera possible de déconstruire deux réacteurs de front, une centrale comme Gravelines (Nord), qui en compte six, pourrait nécessiter 60 ans d’intervention. Restent les réacteurs d’autres technologies dont le démantèlement s’annonce plus délicat.
La centrale de Chooz A, un test pour EDF
Construite entre 1962 et 1967 en bord de Meuse, la centrale de Chooz A est la première de la filière des réacteurs à eau sous pression (REP) en France. Avec ses 305 mégawatts seulement, alors que les autres réacteurs du parc français produisent entre 900 MW et 1.450 W, cette centrale représente un test miniature pour EDF. La fin du chantier est attendue pour 2022. Si la stratégie de l’entreprise est aujourd’hui de démanteler immédiatement, Chooz A sert donc d’exemple. Mais seize années séparent son arrêt et l’obtention de son décret complet de démantèlement en 2007.
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Et la partie du démantèlement la plus compliquée est celle des déchets irradiants. En effet, contrairement aux déchets contaminés, ces derniers ne peuvent être nettoyés. Il faut attendre que leur radioactivité décroisse et les entreposer après les avoir compressés et scellés dans des colis spéciaux. Le site de Bure, dans la Meuse, a déjà été choisi pour y installer CIGEO, un centre de stockage géologique profond pour les rebuts les plus radioactifs. Même si ce choix suscite des contestations, puisque certains redoutent de voir une nouvelle ZAD (zone d’aménagement différé) s’y installer.
Illustration bannière : Greifswald – © Stefan Dinse
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